Proposition de loi n°2990
présentée par
MM. Nicolas MEIZONNET et Louis ALIOT,
députés.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Mesdames, Messieurs,
C’est une sombre date dont se souviennent tous nos compatriotes de confession musulmane regroupés sous l’appellation de « harkis » comme l’ensemble des acteurs et défenseurs de l’Algérie française et plus particulièrement le monde combattant.
Elle marque l’abandon par la France de tous les Français membres des formations supplétives, de statut civil comme militaire, ayant valeureusement combattu le FLN aux côtés de nos soldats en Algérie.
Cette lâcheté fut formulée le 12 mai 1962 par l’envoi d’un ignoble télégramme du ministre des armées de l’époque, Pierre Messmer, au chef des armées d’Alger, donnant des instructions confidentielles de ne pas permettre aux harkis de rejoindre la métropole. Le fonctionnement des institutions de la Vème République valide le fait que ces recommandations avaient l’aval du gouvernement.
Par la suite, Louis Joxe, alors ministre des affaires algériennes, adressera le 16 mai 1962 un autre télégramme, non moins odieux, qui condamnera le débarquement des harkis en métropole, ordonnera leur refoulement sur le sol algérien et demandera à sanctionner les cadres de l’armée responsables de ces rapatriements illégaux mais ô combien humains.
Ce fût une honte pour la France, un arrêt de mort pour tous ces valeureux Français et leurs familles après les accords d’Évian du 18 mars 1962, et le cessez‑le‑feu du 19 mars 1962 aboutissant à l’abandon de ces départements français aux nouveaux maîtres de l’Algérie.
Ces terribles décisions seront à l’origine du massacre par les bouchers du FLN de près 150 000 harkis dont beaucoup de membres de leurs familles. 20 000 d’entre eux, malgré cette terreur, pourront néanmoins fuir et rejoindre la métropole complètement démunis, mais en vie, souvent pris en charge par des officiers courageux et reconnaissants.
Les harkis et leurs familles seront alors relégués et parqués dans des camps dits de « transit » mais, en réalité, cet hébergement précaire perdurera des décennies, concédant à ces familles des conditions de vie misérables jusqu’à leur révolte et la fermeture des derniers camps en 1975.
Cette journée symbolique du 12 mai 1962, occultée par les gouvernements français successifs depuis 1962, représente donc une véritable trahison à l’égard de tous ceux qui ont servi courageusement aux côtés de nos soldats. Mais notre pays a le devoir désormais de faire face à ce passé, fût‑il déshonorant pour ses gouvernants de l’époque et ceux qui ont suivi.
D’autres dates officielles ont été choisies pour commémorer l’engagement des harkis le 25 septembre, la journée nationale d’hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d’Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie chaque 5 décembre ou encore la date inique du 19 mars 1962, déclarée Journée du souvenir pour les victimes de la guerre d’Algérie alors qu’elle marque le début des massacres des harkis dans les douars les plus reculés et d’européens notamment le 5 juillet 1962 à Oran.
Cependant, toutes ces dates ne sont pas en relation avec le destin tragique des harkis qui, de plus en plus nombreux, de la première à la dernière génération réclament cette reconnaissance mémorielle.
Toute la communauté harki victime de ce génocide peut donc légitimement s’approprier cette date afin de la commémorer officiellement et dignement chaque année, avec l’ensemble de la Nation.
Malheureusement, le calendrier officiel des cérémonies n’en fait pas mention et c’est regrettable, car toutes les familles touchées dans leur chair et dans leur cœur ont le droit au souvenir particulier de cet évènement qui a cruellement marqué leur histoire et celle de la France contemporaine.
Rompons avec cette absence de reconnaissance officielle et rendons hommage à tous les harkis qui ont été victimes de cet abandon et des massacres qui s’ensuivirent.
La commémoration, instant privilégié du devoir de mémoire, renforce les liens entre les générations et présente une dimension pédagogique fondamentale. Elle est propice à tirer les enseignements du passé pour mieux appréhender le présent et l’avenir.
Nous vous demandons donc de bien vouloir adopter la présente proposition de loi.
PROPOSITION DE LOI CONSTITUTIONNELLE
Article unique
La République française institue une journée nationale du souvenir de l’abandon des harkis le 12 mai 1962.
Cette journée, ni fériée, ni chômée, est fixée au 12 mai.
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